GARNIER
Maëva
Chargee de recherche CNRS
Effort et forcage vocal

Collaborateurs:
N. Henrich - GIPSA-lab (Grenoble)
D. Dubois - IJLRA-LAM (Paris)
J. Wolfe, J. Smith - UNSW (Sydney)
L. Crevier Buchman, C. Vincent - LPP/HEGP (Paris)
T. Bourne - University of Sydney




ASPECTS COMMUNICATIONNELS ET PSYCHOLOGIQUES DU FORCAGE VOCAL

Le forcage vocal a ete le point de depart de mon travail de these. Ce probleme était jusque la principalement abordé d un point de vu physiologique et biomécanique. Or une enquete menée aupres d enseignants victimes de ce probleme, et d orthophonistes confrontés a sa prise en charge, a révélé que, bien que les symptemes du forcage s observent au niveau de la physiologie laryngée, le dysfonctionnement pouvait dans bien des cas se situer plutot au niveau du comportement de communication de l individu (enseignants essayant de se faire comprendre dans des amphithéatres bruyants, enfants qui crient toute la journée du fait qu ils ont le sentiment de ne pas etre écoutés). Cela m a motivée a élargir la notion de forcage vocal a des aspects communicationnels et psychologiques, en explorant l hypothese que le forcage vocal puisse etre un dysfonctionnement de la boucle production-perception de régulation de l effort communicationnel.

Le travail de these a permis d apporter de premieres informations sur ces aspects communicationnels du forcage vocal, en mettant en évidence des différences interindividuelles (quantitatives et qualitatives) de régulation de l effort communicationnel en environnement bruyant. Les différentes stratégies adoptées n impliquent pas la meme charge laryngée et peuvent en partie expliquer pourquoi certains individus développent davantage de troubles vocaux que d autres.



Publications :

Garnier, M. (2009) "Forcage vocal et efficacité de communication La voix dans tous ses maux", Ed. P. Gatignol, Ortho Edition, Paris, pp. 83-107. (lire)

Garnier, M. (2007) "Communiquer en environnement bruyant : de l adaptation jusqu au forcage vocal", These de doctorat, Universite Paris 6. (lire)

Garnier, M., Dubois, D. et Henrich, N. (2007) "Bruit et voix: de l adaptation au forcage vocal", Perturbations et Reajustements, Langue et langage. Ed. B. Vaxelaire, R. Sock, G. Kleiber et F. Marsac, pp. 63-71.





EFFORT ET ARTICULATION



Lors de ma these, j ai pu constater (comme dans d autres types de parole a forte intensité) que les locuteurs amplifient leurs mouvements articulatoires dans le bruit. Pourtant il n existe pas de lien physiologique direct entre l augmentation de l effort laryngé et l amplification des gestes articulatoires. Quelles sont alors les raisons de l hyperarticulation qui accompagne systématiquement l effort vocal ? C est ce que j ai cherché a mieux comprendre au cours de mon premier post-doctorat (UNSW, Sydney).



Plusieurs hypotheses ont été envisagées :

(1) l augmentation de l ouverture de la bouche serait nécessaire a forte intensité pour éviter que des bruits de turbulence ne se créent au niveau du point de rétrécissement du conduit vocal (hypothese soutenue par Schulman (1988)).
(2) L augmentation de l intensité vocale s accompagnant généralement d une élévation de la hauteur de voix, les locuteurs ajusteraient leur articulation en voix criée de facon a maintenir une distance constante entre la premiere résonance de leur conduit vocal (R1) et leur fréquence fondamentale (f0) (cette distance R1- f0 étant un indice acoustique déterminant pour la discrimination des voyelles fermées et ouvertes (Traum uller, 1981)).
(3) les locuteurs ajusteraient leur articulation de facon a réaliser un couplage acoustique entre la source glottique et le conduit vocal. L ajustement d une résonance du conduit vocal (par exemple R1) sur la fréquence d un des premiers harmoniques de la voix (f0 , 2f0) permet en effet d optimiser les échanges énergétiques entre la source glottique et le conduit vocal (i.e. d optimiser l efficacité de production et de réduire les efforts laryngés). Cela permet également d augmenter l intensité vocale, jusqu a +20dB (Titze, 2008).


Pour pouvoir explorer ces hypotheses, il est nécessaire de pouvoir mesurer les résonances du conduit vocal de facon indépendante de la source glottique, ce qui n est pas le cas des techniques usuelles de mesures de formants basées sur l analyse du signal de parole rayonné (comme on peut le faire traditionnellement avec des logiciels comme Praat). L équipe de l UNSW de Sydney a développé une méthode d impédancemérie du conduit vocal (Epps et al., 1997), jusqu a maintenant uniquement accessible dans ce laboratoire, qui permet une mesure physique directe des résonances du conduit vocal (cf. Figure). En rejoignant cette équipe, j ai pu mettre cet outil au service de l étude de différents types de productions avec effort :

- parole criée, avec et sans contrainte articulatoire, avec augmentation conjointe de la hauteur de voix ou non.
- technique chantée de "belting" utilisée en comédie musicale, qui s apparente au cri (intensités pouvant atteindre 120 dB).
- production de sons tres aigus et intenses chez les sopranes (500Hz f0 2000Hz, avec des intensités supérieures a 100 dB)


Ces éudes ont visé a caractériser la facon dont des individus, experts ou non de ces modes de production, ajustent leur conduit vocal pour produire de tels sons, et a essayer de comprendre quel est le but inconsciemment recherché derriere ces ajustements articulatoires.


J ai globalement observé deux types d ajustements articulatoires pour gérer la production de la voix a forte intensité : (1) les individus configurent leur conduit vocal avec une forme de "mégaphone" (rétréci au niveau du pharynx, tres ouvert aux levres), ce qui leur permet de coupler la 1ere résonance de leur conduit vocal (R1) sur le 2eme harmonique de leur voix (2f0) (parole criée et technique de "belting", Figure a). (2) ils adoptent une configuration de mégaphone inversé (plus ouvert au niveau du pharynx qu au niveau des levres), ce qui leur permet de coupler R1 sur le 1er harmonique (f0) (sopranes lyrique, Figureb).



Resonance tuning


Figure. L image (c) représente la méthode de mesure d impédance du conduit vocal. L allure des courbes d impédance mesurée est représentée en rouge sur les figures (a) et (b). Les maxima de la courbe de base correspondent aux résonances duconduit vocal (R1, R2) tandis que les pics correspondent aux harmoniques de la voix (f0, 2f0). La fréquencefondamentale (f0) et la vibration des cordes vocales sont examinées par électroglottographie et/ou par imagerie ultra-rapide (images (d)).




Publications :

Bourne, T. et Garnier, M. (2012, sous presse) "Physiological and acoustic characteristics of four qualities in the female music theatre voice ", Journal of the Acoustical Society of America.

Garnier, M., Henrich, N., Crevier Buchman, L., Vincent, C., Smith, J. et Wolfe, J. (2012) "Glottal behavior in the high soprano range and the transition to the whistle register", Journal of the Acoustical Society of America 131 1, 951-962.(lire)

Garnier, M., Henrich, N., Wolfe, J., et Smith, J. (2010) "Vocal tract adjustments in the high soprano range", Journal of the Acoustical Society of America 127 6, 3771-3780. (lire)

Bourne, T., Garnier, M. et Kenny, D. (2011) "Music theatre voice: Production, physiology and pedagogy", Journal of Singing.

Wolfe, J., Garnier, M., et Smith, J. (2009) "Vocal tract resonances in speech, singing and playing musical instruments", HFSP Journal 3 1, 6-23. (lire)

Bourne, T., Garnier, M., Kenny, D. (2010) "Music theatre voice: Production, physiology and pedagogy", Perspectives on teaching singing: australian vocal pedagogues sing their stories, Ed. S. Harrisson. Australian Academic Press, Melbourne.

Garnier, M., Henrich, N., Smith, J. et Wolfe, J. (2010) "The tuning of vocal resonances and the upper limit to the high soprano range", Actes de ISMA, Katoomba, Australie. (lire)

Bourne, T. et Garnier, M. (2010) "Physological and acoustic characteristics of the female music theatre voice in belt and legit qualities", Actes de ISMA, Katoomba, Australie. (lire)

Garnier, M., Wolfe, J., Henrich, N. and Smith, J. (2008) "Interrelationship between vocal effort and vocal tract acoustics: a pilot study", Actes de ICSLP, Brisbane, Australie. (lire)

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