HENRICH BERNARDONI
Nathalie
DIrectrice de Recherche CNRS
Production et perception de la voix


Gestion de la phonation : de l’effort au forçage vocal


 

  • La communication dans le bruit

Thèse Maëva Garnier (2007), coll. Danièle Dubois, Jean-Dominique Polack, LAM, Paris

Un tiers des actifs utilise leur voix comme un outil de travail au quotidien. Ces personnes sont souvent confrontées à des troubles vocaux, tels une fatigue vocale, un enrouement, une aphonie, et elles peuvent développer des pathologies, comme par exemple l’apparition de nodules ou de polypes sur les cordes vocales. Le forçage vocal est donc un problème de santé publique, qu’il est important de mieux comprendre et prévenir. Partant de l’observation que certaines personnes sont plus susceptibles que d’autres de développer des troubles de la voix lorsqu’elles sont amenées à communiquer fréquemment dans des conditions perturbées, nous avons cherché à comprendre l’origine de ces différences. Nous avons choisi comme situation expérimentale d’étude la communication en environnement bruyant.

Résumé de la thèse (Garnier, 2007):

Jusqu’à maintenant, l’explication des différentes sensibilités individuelles a été principalement cherchée du côté de la variabilité des constitutions physiologiques et des facteurs environnementaux auxquels sont confrontées ces personnes. Au cours de ce travail, nous avons plutôt explorer l’hypothèse que ces différences puissent également provenir du comportement d’adaptation du locuteur à la situation de communication.
C’est pourquoi nous avons tout d’abord examiné en quoi les différentes modifications acoustiques et articulatoires peuvent être interprétées en terme de stratégies de communication visant à émerger du bruit ambiant (Garnier et al., 2006a), à faciliter la reconnaissance audiovisuelle des unités phonétiques pour l’interlocuteur (Garnier et al., 2006b), à renforcer les indices prosodiques de structuration de l’énoncé ou encore les mots de l’énoncé portant le plus d’information (Garnier et al., 2006c,d). Nous avons apporté plusieurs arguments en faveur d’une adaptation de la parole dans le bruit qui ne serait pas uniquement vocale, réflexe et subie, mais également en partie intentionnelle, communicationnelle et gérable par le locuteur (Garnier et al., 2006e). Pour cela, nous avons enregistré deux principales bases de données constituées de parole semi-spontanée en interaction avec un interlocuteur et pour une immersion des locuteurs dans le bruit par le biais de haut-parleurs. Nous avons au préalable montré l’apport de ces méthodologies pour pouvoir tester nos hypothèses sur le forçage vocal et sur l’adaptation de la parole dans le bruit (Garnier et al., 2006f).
L’examen individuel des comportements d’adaptation de la parole dans le bruit nous a permis de mettre en évidence des différences au niveau de l’adoption combinée des différentes stratégies de communication –celles-ci n’étant pas équivalentes vis à vis de la charge qu’elles font porter au larynx– ainsi qu’au niveau de la réorganisation de l’adaptation en fonction du contexte (type et niveau de bruit). Nous avons pu relier ces variabilités comportementales à des profils laryngés différents, ouvrant en cela de nouvelles perspectives pour l’étude et la prévention du forçage vocal.

  • Garnier M. (2007) Communiquer en environnement bruyant : de l'adaptation jusqu'au forçage vocal, Thèse de doctorat, Université Paris 6, 2007.
  • Garnier M., Henrich N., Dubois D., Poitevineau J. and Polack J.D. (2006a) Peut-on considérer l'effet Lombard comme un phénomène linéaire en fonction du niveau de bruit ?, 8ième Congrès Français d'Acoustique, Tours, Avril 2006.
  • Garnier, M., Dohen, M., Loevenbruck, H., Welby, P. et Bailly, L. (2006b). "The Lombard Effect: a physiological reflex or a controlled intelligibility enhancement?" 7th International Seminar on Speech Production, Ubatuba, Brazil: 255–262.
  • Garnier, M., Bailly, L., Dohen, M., Welby, P. et Loevenbruck, H. (2006c). "An Acoustic and Articulatory Study of Lombard Speech: Global Effects on the Utterance". ICSLP, Pittsburgh, PA, USA: 17-22.
  • Garnier, M., Bailly, L., Dohen, M., Welby, P. et Loevenbruck, H. (2006d). "Étude acoustique et articulatoire de la parole Lombard: Effets globaux sur l'énoncé entier". Actes des XXVIèmes Journées d'Etude sur la Parole, Dinard, France: 69-72.
  • Garnier M, Dubois D, Henrich N. (2006e) Bruit et voix: de l'adaptation au forçage vocal, Proceedings of the workshop Perturbations et réajustements, Hagueneau. A paraître chez l'Harmattan.
  • Garnier M, Dubois D, Henrich N. (2006f) Constitution de corpus de parole semi-spontanée en environnement bruyant : intérêts et applications d’une telle méthodologie, Actes des rencontres Jeunes Chercheurs "langues et langage", Paris. 2006

  • Adaptation résonantielle lors d'un effort vocal

    Coll. Maëva Garnier, Joe Wolfe, John Smith, UNSW, Sydney, Australie



Par la mesure physique des fréquences de résonance du conduit vocal en phonation, nous avons caractérisé l’adaptation résonantielle à une situation d’effort vocal (Garnier et al., 2008). Une étude pilote a montré l’augmentation de la fréquence de la première résonance, R1, avec l’effort vocal. Les corrélats physiologiques de cette augmentation (élévation du larynx, variation du comportement glottique, …) restent à élucider.


  • Garnier, M., Wolfe, J., Henrich, N. and Smith, J. (2008). « Interrelationship between vocal effort and vocal tract acoustics: a pilot study ». Actes de ICSLP, Brisbane, Australie.


  • L'usage des bandes ventriculaires dans l'effort vocal

Coll. Lucie Bailly, IRPHE, Marseille

Les bandes ventriculaires (ou plis vestibulaires) sont des structures laryngées situées au-dessus et à proximité des plis vocaux (cordes vocales). Bien que leurs propriétés biomécaniques diffèrent de celles des plis vocaux, elles sont capables de se rapprocher, de rentrer en contact, voire même de vibrer lors de gestes phonatoires parlés ou chantés. Dans cette étude, nous nous sommes intéresser à leur comportement lors d'un effort vocal (crescendo-decrescendo, cri, grognement). Pour ce faire, une base de données a été constituée par l'enregistrement par cinématographie ultra-rapide de 5 locuteurs et 3 chanteurs lors de ces divers gestes phonatoires. Les signaux audio et électroglottographique de chaque production ont été enregistrés simultanément, et synchronisés aux images laryngées.

L'observation du comportement des bandes ventriculaires montre un rapprochement de ces structures lors d'un effort vocal, comparativement au geste de voisement usuel. Leur rapprochement peut s'accompagner d'une augmentation conjointe de l'énergie acoustique dans la bande de fréquence 2-4 kHz, sans influence directe sur l'intensité vocale globale. Le geste phonatoire peut également s'accompagner d'un accolement des bandes ventriculaires, observé sur la partie médiane, antéro-médiane ou sur l'intégralité de leur longueur. Dans la continuité de leur mouvement de compression, les bandes ventriculaires peuvent entrer en vibration, périodiquement ou non, en phase ou non avec l'oscillation des cordes vocales selon le contexte phonatoire.

Une modélisation théorique aérodynamique a permis de mettre en évidence l'influence d'une constriction supra-laryngée sur le mouvement vibratoire glottique. Cette modélisation a été appliquée à l'étude physique de l'impact des constrictions observées par cinématographie ultra-rapide sur la vibration glottique. L'aire ventriculaire estimée à partir des images laryngées est introduite comme paramètre d'entrée du modèle. Le comportement vibratoire glottique résultant a été simulé par application d'un modèle à deux masses inspiré de Ruty et al. (2007), et comparé à la vibration glottique mesurée par électroglottographie.




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