Un tiers des actifs utilise leur voix comme un outil de
travail au quotidien. Ces personnes sont souvent confrontées
à des troubles vocaux, tels une fatigue vocale, un
enrouement, une aphonie, et elles peuvent développer des
pathologies, comme par exemple l’apparition de nodules ou de
polypes sur les cordes vocales. Le forçage vocal est donc un
problème de santé publique, qu’il est
important de mieux comprendre et prévenir. Partant de
l’observation que certaines personnes sont plus susceptibles
que d’autres de développer des troubles de la voix
lorsqu’elles sont amenées à communiquer
fréquemment dans des conditions perturbées, nous
avons cherché à comprendre l’origine de
ces différences. Nous avons choisi comme situation
expérimentale d’étude la communication
en environnement bruyant.
Résumé de la thèse (Garnier, 2007):
Jusqu’à maintenant,
l’explication des différentes
sensibilités individuelles a été
principalement cherchée du côté de la
variabilité des constitutions physiologiques et des facteurs
environnementaux auxquels sont confrontées ces personnes. Au
cours de ce travail, nous avons plutôt explorer
l’hypothèse que ces différences
puissent également provenir du comportement
d’adaptation du locuteur à la situation de
communication.
C’est pourquoi nous avons tout d’abord
examiné en quoi les différentes modifications
acoustiques et articulatoires peuvent être
interprétées en terme de stratégies de
communication visant à émerger du bruit ambiant
(Garnier et al., 2006a), à faciliter la reconnaissance
audiovisuelle des unités phonétiques pour
l’interlocuteur (Garnier et al., 2006b), à
renforcer les indices prosodiques de structuration de
l’énoncé ou encore les mots de
l’énoncé portant le plus
d’information (Garnier et al., 2006c,d). Nous avons
apporté plusieurs arguments en faveur d’une
adaptation de la parole dans le bruit qui ne serait pas uniquement
vocale, réflexe et subie, mais également en
partie intentionnelle, communicationnelle et gérable par le
locuteur (Garnier et al., 2006e). Pour cela, nous avons
enregistré deux principales bases de données
constituées de parole semi-spontanée en
interaction avec un interlocuteur et pour une immersion des locuteurs
dans le bruit par le biais de haut-parleurs. Nous avons au
préalable montré l’apport de ces
méthodologies pour pouvoir tester nos hypothèses
sur le forçage vocal et sur l’adaptation de la
parole dans le bruit (Garnier et al., 2006f).
L’examen individuel des comportements d’adaptation
de la parole dans le bruit nous a permis de mettre en
évidence des différences au niveau de
l’adoption combinée des différentes
stratégies de communication –celles-ci
n’étant pas équivalentes vis
à vis de la charge qu’elles font porter au
larynx– ainsi qu’au niveau de la
réorganisation de l’adaptation en fonction du
contexte (type et niveau de bruit). Nous avons pu relier ces
variabilités comportementales à des profils
laryngés différents, ouvrant en cela de nouvelles
perspectives pour l’étude et la
prévention du forçage vocal.
Coll. Maëva Garnier, Joe
Wolfe, John Smith, UNSW,
Sydney, Australie
Par la mesure physique des
fréquences de résonance du
conduit vocal en phonation, nous avons
caractérisé l’adaptation
résonantielle à
une situation d’effort vocal (Garnier et al., 2008). Une
étude pilote a montré
l’augmentation de la fréquence de la
première résonance, R1, avec l’effort
vocal.
Les corrélats physiologiques de cette augmentation
(élévation du larynx, variation
du comportement glottique, …) restent à
élucider.
Les bandes ventriculaires (ou plis
vestibulaires) sont des structures laryngées
situées
au-dessus et à proximité des plis vocaux (cordes
vocales). Bien que leurs propriétés
biomécaniques diffèrent de celles
des plis vocaux, elles sont capables de se
rapprocher, de rentrer en contact, voire même de vibrer lors
de gestes
phonatoires parlés ou chantés. Dans cette
étude, nous nous sommes intéresser à
leur
comportement lors d'un effort vocal (crescendo-decrescendo, cri,
grognement).
Pour ce faire, une base de données a
été constituée par l'enregistrement
par
cinématographie ultra-rapide de 5 locuteurs et 3 chanteurs
lors de ces divers
gestes phonatoires. Les signaux audio et
électroglottographique de chaque
production ont été enregistrés
simultanément, et synchronisés aux images
laryngées.
L'observation du comportement des bandes ventriculaires montre un
rapprochement
de ces structures lors d'un effort vocal, comparativement au geste de
voisement
usuel. Leur rapprochement peut s'accompagner d'une augmentation
conjointe de
l'énergie acoustique dans la bande de fréquence
2-4 kHz, sans influence directe
sur l'intensité vocale globale. Le geste phonatoire peut
également
s'accompagner d'un accolement des bandes ventriculaires,
observé sur la partie
médiane, antéro-médiane ou sur
l'intégralité de leur longueur. Dans la
continuité de leur mouvement de compression, les bandes
ventriculaires peuvent
entrer en vibration, périodiquement ou non, en phase ou non
avec l'oscillation
des cordes vocales selon le contexte phonatoire.
Une modélisation théorique
aérodynamique a permis de mettre en évidence
l'influence d'une constriction supra-laryngée sur le
mouvement vibratoire
glottique. Cette modélisation a été
appliquée à l'étude physique de
l'impact
des constrictions observées par cinématographie
ultra-rapide sur la vibration
glottique. L'aire ventriculaire estimée à partir
des images laryngées est
introduite comme paramètre d'entrée du
modèle. Le comportement vibratoire
glottique résultant a été
simulé par application d'un modèle à
deux masses
inspiré de Ruty et al. (2007), et comparé
à la vibration glottique mesurée par
électroglottographie.
Grenoble Images Parole Signal Automatique laboratoire
UMR 5216 CNRS - Grenoble INP - Université Grenoble Alpes