Christian JUTTEN et Pierre COMON, lauréats d’un ERC Advanced Grant
La séparation et l’extraction des sources sont de vastes concepts en sciences de l'information : les capteurs fournissent un signal mélangé et une étape essentielle consiste à séparer (ou extraire) des informations utiles des informations dites « nuisibles » (bruit). Que ce soit en télécommunications, en géophysique (signaux sismiques, télédétection, surveillance) ou en médecine (imagerie médicale), la séparation de sources constitue la clef à la compréhension des informations et donc à la prise de décision. Construire de nouveaux fondements théoriques capables de traiter certaines situations encore peu ou mal couvertes (données multimodales, modèles non linéaires, capteurs chimiques, grand nombre de capteurs…) constitue l’enjeu fondamental des projets soutenus par Christian JUTTEN et Pierre COMON.
Traitement multimodal et multidimentionnel de signaux
CHESS – Challenges in Extraction and Separation of Sources
Porté par Christian JUTTEN, professeur Université Joseph Fourier
ERC Advanced Grant 2013-2017
2,5 millions d’euros
Le premier défi lancé par le projet ERC de Christian Jutten, est de fournir un cadre général pour la séparation de sources multimodales. Dans de nombreux domaines tels que l'imagerie cérébrale (biomédical) ou l’imagerie hyperspectrale (télédétection), en raison de la diversité des types de capteurs, l’enregistrement d’un même phénomène physique conduit à des ensembles de données très variées et hétérogènes, c’est ce que l’on appelle la multimodalité. Cette multimodalité a été étudiée dans le domaine des interfaces homme-machine ou sur les questions de fusion de données, mais elles n’ont jamais été étudiées au niveau du signal lui-même.
Le deuxième défi porte sur l’extraction des seuls signaux utiles. Dans les données en grande dimension (par exemple, l'EEG ou l'IRM en imagerie cérébrale), la séparation exhaustive de toutes les sources n’est ni possible ni pertinente, le but étant d’extraire uniquement les sources dites « utiles » (à l’interprétation, à la décision). Le problème se pose également pour un petit nombre de capteurs, en particulier - et avec d’autres difficultés - s’il est inférieur au nombre de sources : il est à nouveau nécessaire et pertinent de se concentrer uniquement sur les signaux « utiles ». Le défi est donc d'élaborer un cadre générique pour extraire uniquement les signaux utiles, sur la base de signaux de référence ou d’informations a priori.
Enfin, de nombreux systèmes sont par nature non linéaires : c’est par exemple le cas de capteurs chimiques ou des images hyperspectrales d’une scène 3D. A ce jour, peu de travaux existent sur la séparation de sources dans de tels contextes non linéaires. Le troisième défi est d’élargir les méthodes de séparation de sources à ces mélanges non linéaires.
La validation et la modélisation pertinente de ces méthodologies sera réalisée sur des signaux réels issus notamment du génie biomédical (interface cerveau-ordinateur, EEG, IRMf), du génie chimique, analyse de scène audio-visuelle et de l'imagerie hyperspectrale.
BIOGRAPHIE
Docteur-Ingénieur de l’INPG puis docteur ès Sciences physiques, Christian Jutten est enseignant-chercheur à l’Université Joseph Fourier depuis 1989 où il enseigne aux étudiants ingénieur de l’école Polytech’. Il a été directeur du Laboratoire de Traitement d'Images et de Reconnaissance des Formes (35 personnes) de 1993 à 1997, puis directeur-adjoint du Laboratoire des Images et des Signaux (UMR CNRS, 100 personnes) de 1999 à 2006, et directeur-adjoint de GIPSA-lab (UMR CNRS, 300 personnes), de 2007 à 2010. Il est depuis septembre 2012 Directeur scientifique adjoint de l’Institut INS2i au CNRS, en charge du traitement du signal et des images.
Christian Jutten est membre senior de l'Institut Universitaire de France depuis 2008 (pour 5 ans) ; il a reçu en 1991 le prix de l'European Association of Signal Processing (EURASIP) pour la meilleure publication dans le journal Signal Processing, en 1997, la médaille BLONDEL de la Société des Electriciens et des Electroniciens (SEE) pour ses contributions dans le domaine de la séparation aveugle de signaux, il a été nommé Fellow dans la promotion 2008 de la société internationale IEEE.
Contact :
Christian JUTTEN, 04 76 57 43 51
DECODA– Tensor Decompositions for Data Analysis
Porté par Pierre COMON, directeur de recherche CNRS
ERC Advanced Grant 2013-2017
1,5 millions d’euros
Le projet ERC de Pierre COMON est consacré au développement de nouvelles techniques d’analyse de données et de traitement du signal. Elles se différencient des techniques plus classiques par le fait qu’elles sont déterministes. Ce type d’approche comporte plusieurs avantages, dont le fait de pouvoir fonctionner avec des durées d’observation courtes, ou le fait de pouvoir identifier des modèles multi-linéaires. En revanche, leurs inconvénients résident dans le fait que les bases théoriques sont encore très incomplètes en raison de plusieurs problèmes ouverts, ce que le projet tentera de combler.
Parallèlement, trois grandes familles d’applications sont envisagées. Tout d’abord le traitement d’antenne en général, ce qui inclut en particulier la géophysique, la glaciologie la sismique ou les télécommunications, lorsque les mesures sont effectuées sur plusieurs capteurs en fonction du temps, et qu’une troisième dimension est présente de façon explicite ou sous-jacente.
Ensuite le domaine de la santé sous diverses formes, telles que l’électroencéphalographie, la magnétoencéphalographie, ou l’électrocardiographie, entre autres. En effet, l’amélioration des algorithmes de traitement des signaux peut permettre des diagnostics plus précis, qui pourraient éviter des mesures invasives par exemple dans le cas de l’épilepsie ou de la maladie d’Alzheimer.
Enfin, l’environnement joue un rôle privilégié et exploratoire dans le projet. On peut citer la surveillance de la qualité de l’eau potable ou la détection des réserves d’eau. Dans un contexte polarimétrique, les décompositions tensorielles peuvent fournir un gain considérable pour la classification de surfaces en imagerie multispectrale ou radar (télédétection). La spectrométrie fluorescente permet de dépister la présence de certains hydrocarbures aromatiques polycycliques, très toxiques même à de très faibles concentrations dans l’eau. Ensuite, les techniques tensorielles d’analyse de données pourraient être utilisées en électrophorèse, analyse permettant de séparer les molécules, avec des applications potentielles en agro-alimentaire. Enfin, dans le domaine de l’agriculture, ces techniques d’analyse de données pourraient renforcer les études de la diversité microbienne dans la terre, et contribuer à prouver leur rôle fondamental dans la fertilité des sols.
BIOGRAPHIE
Pierre COMON est directeur de recherche CNRS. Après une année au laboratoire ISL de Stanford (EU), il exerce 13 ans dans l’industrie (Thomsom/Thalés), puis rejoint l’Institut Eurécom en 1997, et le CNRS en 1998 au laboratoire I3S à Sophia Antipolis jusqu’en 2012. Il intègre l’équipe CICS à GIPSA-lab en septembre 2012.
Lors de sa carrière à Nice-Sophia Antipolis, Pierre COMON a été responsable du Pôle SIS (Signal, Image et Systèmes, 100 personnes) du laboratoire I3S et directeur de l’Ecole doctorale STIC de l’université de Nice-Sophia Antipolis. Il a notamment reçu en 2006 l’Individual Technical Achievement Award de la société européenne Eurasip, et le prix Montpetit de l’Académie des sciences en 2005 ; il est Fellow de la société internationale IEEE depuis 2007. Pierre COMON est actuellement expert pour l’European Research Council Executive Agency et éditeur associé du SIAM Journal on Matrix Analysis and Applications.
Contact :
Pierre COMON, 04 76 82 62 71
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Soutenu chaque année depuis 2008 au travers d’un appel à manifestation, l’ERC Advanced Grant est exclusivement destiné aux leaders exceptionnels de la recherche qui ont acquis un palmarès de résultats de recherche significatifs au cours des dix dernières années. Le montant de la bourse, d’un niveau très attrayant (jusqu’à 2,5 millions d’euros sur 5 ans), soutient des projets hautement ambitieux, novateurs et atypiques aussi bien en ce qui concerne l’ambition des résultats scientifiques escomptés que la créativité et l’originalité des approches proposées. Les dossiers sont évalués par un panel international de pairs qui examinent les propositions sous le seul angle de l’excellence scientifique. Seuls 14 % (moyenne) des projets sont au final financés (300 projets retenus sur plus de 2300 soumis dont 36 projets pour la France en 2012